Lorsque vous entendez le mot « contrebande », il y a de fortes chances que votre esprit s’évade vers des images de contrebandiers de whisky pendant la prohibition ou de corsaires des Caraïbes. Cependant, la contrebande est une réalité contemporaine qui se manifeste de différentes manières. Aujourd’hui, nous allons lever le voile sur un segment de ce domaine : le commerce illicite des produits du tabac, et plus particulièrement le rôle de la compagnie Philip Morris dans ce grand ballet de l’ombre.
Le marché parallèle du tabac en France et en Europe
L’industrie du tabac est, sans surprise, une entreprise très lucrative. Il n’est donc pas étonnant que le commerce illicite de produits tabac soit en plein essor. En France, la consommation de cigarettes illicites représente près de 15% du marché total de la consommation de cigarettes. Au sein de l’Union Européenne, cette proportion est encore plus élevée.
La contrefaçon et la contrebande de cigarettes sont deux phénomènes distincts mais complémentaires. La contrefaçon concerne les cigarettes produites sans autorisation par des entreprises qui usurpent les marques de distributeurs légaux. La contrebande, quant à elle, se réfère au transport, à la distribution et à la vente de cigarettes sans payer les taxes et droits correspondants.
Philip Morris : un acteur ambigu du commerce parallèle
Au cœur de ce ballet, se trouve Philip Morris International (PMI), l’un des plus grands producteurs de tabac au monde. PMI est impliqué de manière controversée dans le commerce parallèle de tabac. Tout d’abord, la société est souvent accusée de tirer parti de ce marché parallèle en fournissant sciemment des produits à des négociants qui vendent ensuite ces produits dans des pays où le coût des cigarettes est plus élevé.
En 2004, suite à des années de litiges, Philip Morris a conclu un accord avec la Commission Européenne et a accepté de verser 1,25 milliard de dollars sur une période de 12 ans pour aider à lutter contre la contrebande et la contrefaçon de cigarettes. Cet accord, connu sous le nom de Protocole PMI, a été mis en œuvre.
Cependant, le Protocole PMI a fait l’objet de critiques. Selon Raoul Setrouk, un ancien enquêteur pour le compte de PMI qui a déposé une plainte aux Etats-Unis contre la société, Philip Morris aurait manipulé les données sur la contrebande pour exagérer l’ampleur du problème et ainsi justifier l’existence du Protocole.
L’impact sur la santé publique et les finances nationales
Le commerce illicite de produits du tabac a plusieurs conséquences néfastes. Non seulement il prive les États de recettes fiscales, mais il menace aussi la santé publique. Les cigarettes illégales peuvent contenir des taux plus élevés de substances nocives que celles produites légalement. De plus, leur faible coût les rend plus accessibles, particulièrement pour les jeunes et les personnes à faible revenu, contribuant ainsi à l’augmentation de la consommation de tabac.
En termes de pertes financières, selon un rapport de 2016 de l’Union Européenne, la contrebande de cigarettes coûte chaque année à l’UE environ 10 milliards d’euros en recettes fiscales non perçues. En France, la perte est estimée à environ 2 milliards d’euros par an.
Vers une réglementation plus stricte du marché du tabac
Face à ces problèmes, les autorités nationales et internationales cherchent à renforcer la réglementation du marché du tabac. En France, l’Assemblée Nationale a récemment adopté un projet de loi visant à renforcer le contrôle de la production, de l’importation et de la distribution de tabac.
Au niveau international, l’Organisation Mondiale de la Santé travaille à la mise en œuvre du « Protocole pour éliminer le commerce illicite des produits du tabac », adopté en 2012. Ce protocole vise à instaurer un système de suivi et de traçabilité pour l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement du tabac.
La boîte de Pandore du commerce illicite des produits du tabac est ouverte et les conséquences sont bien réelles. Alors que nous prenons connaissance des implications de géants comme Philip Morris dans ce marché parallèle, il est impératif que des mesures efficaces soient prises pour réguler l’industrie du tabac et mettre fin à ces pratiques illégales. L’avenir de nos finances publiques et, plus important encore, la santé de nos concitoyens en dépendent.